Disclaimer
Cet article reflète avant tout une réflexion personnelle, nourrie par mon expérience de joueur et d’observateur des mécaniques modernes dans le jeu vidéo et la société numérique. Il ne s’agit pas d’une vérité absolue, mais d’une interprétation que je partage ici dans un but de discussion et de sensibilisation.
Imaginez une sensation diffuse, mais tenace. Une forme d’anxiété légère, qui vous pousse à vérifier vos notifications, à lancer un jeu même sans réelle envie, ou à participer à un événement en ligne simplement parce que « tout le monde y est ». Ce n’est ni une maladie officiellement reconnue, ni un trouble grave… et pourtant, elle touche des millions de personnes chaque jour.
Elle agit en silence, en glissant dans nos routines. Elle nous donne l’impression que, si nous ne sommes pas présents maintenant, nous allons rater quelque chose d’important, quelque chose d’unique. Et si cette chose disparaissait à jamais ? Et si, pendant que vous lisez ces lignes, d’autres prenaient de l’avance sur vous ?
Ce phénomène psychologique, habilement exploité par les réseaux sociaux, les plateformes de streaming, et plus encore par l’industrie du jeu vidéo, a un nom. Un nom simple, mais chargé de conséquences.
C’est ce que nous allons explorer dans cet article.

Définition générale du FOMO
Derrière ce terme à consonance presque amusante se cache un concept bien plus sérieux : la peur de rater quelque chose. En anglais, on parle de « Fear Of Missing Out », abrégé FOMO.
Ce phénomène psychologique se manifeste par un sentiment d’angoisse ou d’inconfort face à l’idée que d’autres vivent une expérience à laquelle nous ne participons pas. C’est le petit pincement quand on voit ses amis sortir sans nous, la pression ressentie devant une offre à durée limitée, ou encore l’impulsion irrationnelle de se connecter à tout prix à une plateforme de peur de « manquer » un moment important.
Le FOMO puise dans des instincts sociaux fondamentaux :
- le besoin d’appartenance,
- la peur d’être mis à l’écart,
- et la valorisation de l’instant présent comme unique opportunité.
Il est alimenté par notre société connectée, où les informations circulent vite, où tout est visible, quantifiable, partageable. Les réseaux sociaux en sont le catalyseur principal : chaque story, chaque post devient un rappel que quelque chose se passe sans nous.
Ce phénomène n’est pas forcément pathologique en soi. Il devient problématique lorsqu’il influence nos choix, génère du stress, ou nous pousse à agir contre nos envies réelles. Et comme nous allons le voir, certaines industries l’ont bien compris… et l’exploitent avec une efficacité redoutable.

Le FOMO dans le jeu vidéo
Le jeu vidéo moderne, notamment dans sa dimension live service ou multijoueur en ligne, a très vite compris le potentiel du FOMO comme outil de rétention. Dans une industrie où l’attention est une ressource précieuse, chaque connexion, chaque clic, chaque minute jouée compte.
Certains studios utilisent donc volontairement cette mécanique pour créer du manque artificiel, déclencher des réflexes de retour quotidien, et faire du joueur un rouage actif dans l’économie du jeu.
2.1 Des jeux construits autour du FOMO
Voici quelques exemples marquants où cette logique est non seulement présente, mais centrale :
- Lost Ark : entre les récompenses de connexion, les quêtes journalières/hebdomadaires, les rotations de contenus limités, l’expérience est pensée pour pousser le joueur à se connecter tous les jours, au risque de « perdre » de la progression.
- TESO (The Elder Scrolls Online) : le système d’événements saisonniers (Festival de la Sorcière, célébrations de la Nouvelle Vie, etc.) est lié à des tickets d’évènement limités dans le temps, indispensables pour obtenir des objets exclusifs. Si vous ratez l’événement, l’objet disparaît… jusqu’à une potentielle prochaine rotation, souvent bien plus tardive.
- Diablo IV : les saisons proposent du contenu temporaire, avec des objets cosmétiques et récompenses uniques. Rater une saison signifie passer à côté de ces éléments, souvent irrécupérables ensuite.
- New World : bonus de connexion, événements hebdomadaires ou mensuels avec des objectifs limités dans le temps — tout est fait pour maintenir l’engagement, même si le contenu en soi est parfois répétitif.
- Genshin Impact, Fortnite, Destiny 2, et bien d’autres : battle pass, skins exclusifs, rotations de contenu — autant de mécaniques qui instaurent une « urgence » dans la progression.
Ces mécaniques ne sont pas forcément « mauvaises » en soi. Elles permettent de dynamiser le jeu, d’offrir du contenu régulier, et de créer un sentiment d’événement permanent. Mais elles sont aussi un levier marketing puissant, basé non sur l’envie de jouer, mais sur la peur de ne pas jouer.
2.2 Les risques psychosociaux
L’utilisation du FOMO dans le jeu vidéo n’est pas sans conséquences, en particulier chez les joueurs les plus investis ou vulnérables.
- Perte de plaisir : quand jouer devient une obligation, une course contre la montre, le plaisir disparaît. On ne joue plus pour s’amuser, mais pour « ne pas rater ».
- Fatigue mentale : jongler entre plusieurs jeux à contenu limité, optimiser ses temps de connexion, gérer ses ressources quotidiennes… Cela peut devenir une charge mentale insidieuse.
- Frustration et culpabilité : le joueur peut ressentir une forme de culpabilité ou de déception s’il « rate » un événement ou un objet. Certains retournent même au jeu en urgence après une pause, uniquement pour « rattraper ».
- Addiction comportementale : ce conditionnement peut nourrir des comportements proches de l’addiction, en s’appuyant sur des mécaniques de récompenses variables et de rareté artificielle.
- Pression sociale : dans les MMO ou les jeux en groupe, le FOMO peut aussi se manifester à travers la peur de ne pas être à niveau, de ralentir sa guilde ou son équipe, ou de manquer des moments de progression collective.
Le jeu vidéo, à l’origine espace de liberté et de loisir, devient alors un calendrier de contraintes — soigneusement déguisées en opportunités. La frontière entre l’amusement et l’exploitation psychologique peut parfois être mince.

Le FOMO dans la vie de tous les jours
Le FOMO ne s’arrête pas à l’univers du jeu vidéo. Il est devenu un phénomène culturel majeur, renforcé par notre mode de vie connecté, nos outils numériques, et les injonctions sociales modernes. On pourrait presque dire que le FOMO est devenu une norme implicite.
Les réseaux sociaux : le terrain de jeu du FOMO
Chaque jour, nous sommes exposés à des flux d’images, de vidéos et de récits mettant en scène des moments « à ne pas manquer ». Une soirée entre amis, un voyage de rêve, un concert, une sortie resto… autant d’instantanés de vie qui peuvent faire naître un sentiment de décalage, voire d’exclusion.
La comparaison est constante. L’algorithme nous sert ce que les autres font de mieux, pendant que nous sommes… au bureau, dans les transports, ou tout simplement à la maison. Même lorsque nous sommes satisfaits de notre quotidien, cette exposition répétée peut semer le doute : « Et si je passais à côté de quelque chose de mieux ? »
La consommation sous pression
Le FOMO est aussi devenu un moteur de l’économie. Offres limitées, ventes flash, précommandes exclusives, éditions collector en quantités restreintes… Le marketing joue sur la rareté et l’urgence pour nous pousser à l’achat immédiat.
Il suffit de penser au fameux « derniers articles disponibles », ou au « plus que 2 places pour ce vol » pour comprendre à quel point cette mécanique est omniprésente. Ce n’est pas forcément une arnaque — mais c’est une stratégie qui repose sur la peur de rater l’occasion idéale.
La vie sociale, professionnelle… et la surcharge
Même dans nos sphères personnelles et professionnelles, le FOMO agit en silence :
- Peur de refuser une invitation, au risque de passer à côté d’un moment important.
- Pression à être présent à tous les événements, à toujours dire oui.
- Sentiment de devoir être au courant de tout, tout le temps — au travail comme dans l’actualité.
À force de vouloir tout vivre, tout suivre, tout expérimenter, on s’épuise. On devient spectateur actif de la vie des autres, tout en perdant parfois le fil de la nôtre.

Comment s’en prémunir
Le FOMO fait partie de notre époque. On ne peut pas complètement l’effacer — mais on peut apprendre à le reconnaître, à le comprendre, et à l’apprivoiser. Voici quelques pistes pour ne plus en être la victime passive.
1. Reprendre le contrôle de son temps
La clé, c’est de redevenir acteur de ses choix. Jouer ou participer à un événement parce qu’on en a envie, et non parce qu’on doit le faire. Cela passe par une simple question à se poser régulièrement : « Est-ce que je le fais pour moi, ou parce que j’ai peur de rater quelque chose ? »
Fixer ses propres priorités, choisir ses jeux, ses loisirs ou ses sorties selon ses envies du moment, c’est déjà un grand pas vers la sérénité.
2. Accepter de rater des choses… et que ce n’est pas grave
C’est sans doute le point le plus difficile à intégrer. Dire « non », passer à côté, ne pas être là — ce n’est ni un échec, ni une faute. Ce n’est pas une perte : c’est juste la vie.
Tout ne peut pas être vécu, tout ne peut pas être possédé. Et souvent, ce qu’on rate n’est pas si essentiel qu’on le pense sur le moment. Accepter cela, c’est retrouver une certaine paix intérieure.
3. Pratiquer la déconnexion volontaire
S’accorder des pauses : des moments sans réseaux sociaux, sans jeux en ligne, sans sollicitations extérieures. Il ne s’agit pas forcément d’une « digital detox » extrême, mais de moments choisis où l’on se recentre sur soi.
Lire, sortir, prendre le temps. Se réapproprier l’ennui comme un espace de liberté.
4. Cultiver le JOMO : la joie de rater des choses
Le pendant du FOMO, c’est le JOMO (Joy Of Missing Out). C’est l’idée qu’en refusant certaines sollicitations, on se donne la possibilité de vivre mieux, plus lentement, plus en conscience.
Rater un événement en ligne pour dormir tôt. Laisser passer un skin rare pour profiter d’un week-end dehors. Ne pas suivre la série du moment, et ne rien perdre d’essentiel pour autant.
Le JOMO, c’est réhabiliter le choix, l’absence, et la simplicité.

Conclusion
Le FOMO n’est pas un mal en soi. C’est un reflet de notre époque : rapide, interconnectée, saturée de sollicitations. C’est aussi une faiblesse humaine, naturelle, que certains systèmes — comme le jeu vidéo ou le marketing — savent parfaitement exploiter.
Mais le comprendre, c’est déjà s’en libérer un peu. Il ne s’agit pas de rejeter en bloc tous les contenus temporaires ou événements limités, mais de les remettre à leur juste place : des options, pas des obligations.
Notre temps est précieux. Nos envies aussi. Et il n’y a rien de plus gratifiant que de reprendre la main sur ses choix, de jouer — ou de ne pas jouer — pour les bonnes raisons. Celles qui viennent de nous.
Et toi, à quand remonte la dernière fois où tu as volontairement laissé passer quelque chose… sans aucun regret ?
👉 Si ce genre de réflexion t’intéresse, n’hésite pas à me retrouver sur YouTube pour des vidéos autour du jeu vidéo et de la culture geek, ou sur Bluesky pour échanger tranquillement, loin du bruit des algorithmes. On y rate peut-être des trucs… mais on y respire mieux.
