Diablo 4 ou l’art de me faire revenir (sans me retenir)

Lorsque Diablo 4 est sorti, comme beaucoup de joueurs, je me suis plongé dans l’aventure avec enthousiasme. La promesse d’un retour aux sources, mêlée à une direction artistique sombre et maîtrisée, avait de quoi raviver la flamme des anciens fans de la saga. J’ai parcouru toute la campagne en coop, profitant pleinement de l’ambiance oppressante et des combats nerveux.

Mais une fois la dernière cinématique terminée, l’enthousiasme est vite retombé. Le end game s’est révélé décevant, voire inexistant. J’ai donc lâché le jeu pendant plusieurs mois… pour finalement y revenir à chaque nouvelle saison. Un cycle s’est installé : 40 heures de jeu tous les trois mois pour découvrir les nouveautés, boucler les défis saisonniers, récupérer les récompenses — et repartir.

Car malgré les efforts constants de Blizzard pour enrichir l’expérience avec de nouvelles mécaniques et des améliorations de confort de jeu, la lassitude s’invite toujours trop rapidement. Et si le système de saisons joue habilement sur le FOMO (la peur de rater quelque chose), il peine à transformer cette pression en plaisir durable.

Ce billet est donc l’occasion de faire le point, huit saisons plus tard, sur ce qu’est devenu Diablo 4 — ses forces, ses faiblesses, et cette drôle de relation que j’entretiens avec lui, entre passion révolue et habitude persistante.



La campagne : un départ en grande pompe

Dès les premières heures, Diablo 4 pose une ambiance lourde et réussie, renouant avec les racines sombres de la série. La direction artistique, froide et désolée, contribue à faire de Sanctuary un monde où l’on ressent réellement le poids de la corruption et du désespoir. Les cinématiques, d’une qualité remarquable, ponctuent l’histoire avec puissance et donnent une vraie gravité à l’univers.

J’ai parcouru l’intégralité de la campagne en coop, ce qui a renforcé l’immersion et le plaisir de progression. Les quêtes principales tiennent bien la route, et même si certains arcs narratifs restent un peu classiques, la montée en puissance du personnage est bien dosée. On sent que Blizzard a mis les moyens pour que cette première expérience soit mémorable.

Le rythme est globalement maîtrisé, avec une alternance efficace entre exploration, combats intenses et moments plus narratifs. Certaines zones restent un peu trop vastes ou peu marquantes, mais l’ensemble fonctionne. Lilith incarne une antagoniste charismatique, et son influence pesante sur le monde reste un des points forts du récit.

En somme, la campagne réussit ce qu’elle entreprend : donner envie de plonger dans cet univers et de s’y perdre, seul ou à plusieurs. Dommage que cette excellente première impression ne se prolonge pas une fois les crédits déroulés…



Évolution du endgame dans Diablo 4

Endgame en 2023

À la sortie de Diablo 4 en juin 2023, le contenu post-campagne était extrêmement limité. Une fois le niveau 50 atteint, on débloquait l’arbre des Murmures de l’Arbre (Tree of Whispers) et ses coffres spéciaux, qui donnaient accès aux Sigils de cauchemar pour lancer les donjons cauchemars. En pratique cependant, ces activités constituaient à peu près tout l’endgame : les joueurs se retrouvaient à refaire indéfiniment les mêmes donjons ou Helltides occasionnels pour farmer de l’équipement. Cette « monotonie » était largement soulignée par la communauté – comme le note Icy Veins, « de nombreux joueurs de Diablo IV [sont] toujours frustrés par le manque d’activités » une fois le mode Torment atteint. Sur les forums officiels, on peut lire des reproches similaires : « il n’y a pas de nouveau contenu de fin de jeu pour s’engager », ou encore qu’on réalise « le même contenu à 45 avec 15 heures de jeu que … à 90 avec 110 heures ».

Cette pauvreté de contenu engageant après la campagne s’est traduite par un fort désintérêt. Certains joueurs ont quitté le jeu après avoir terminé l’histoire, ne trouvant plus de défi valable à la suite. BlizzardWatch rapporte qu’entre le lancement et début 2024 Diablo 4 a perdu 99,4 % de sa base de joueurs actifs. En somme, le départ forcé vers la fin de campagne laissait un endgame jugé vide, répétitif et peu gratifiant – au point que beaucoup ont lâché l’aventure faute de motivation.


Endgame en Saison 8, mai 2025

Depuis, Blizzard a multiplié les mises à jour pour étoffer l’endgame. De nouvelles activités et boss ont été introduits à chaque saison. Par exemple, les Helltides (invasions démoniaques à ciel ouvert) sont devenus permanents dès la Saison 3, avec des coffres particuliers distribuant le Living Steel nécessaire à l’invocation d’un boss Uber (par exemple Gregoire permettant d’affronter Duriel). Les Murmures de l’Arbre et les donjons cauchemars restent eux au cœur du cycle de fin de partie (les Sigils de cauchemar débloqués via les murmures). S’y sont ajoutés de nouveaux boss répétables : la Saison 4 (Loot Reborn) a remanié l’échelle des boss, ajoutant Andariel et lançant les Echoes tourmentés (versions niveau 200 des boss Uber). Avec l’extension Vessel of Hatred (Saison 6) est apparu La Fosse, un donjon évolutif à 200 étages servant à débloquer les difficultés Torment supérieures. Enfin, la Saison 8 a vu l’arrivée de Belial (Seigneur du Mensonge) parmi les boss de fin de partie : il figure désormais « de façon permanente dans le roster des Lair Boss », devenant même le défi ultime de cette saison.

Tous ces ajouts témoignent des efforts continus de Blizzard pour enrichir le contenu endgame. Les développeurs ont ainsi annoncé vouloir répondre aux critiques en proposant « plus d’activités de fin de partie » et en rééquilibrant la difficulté (les développeurs ont reconnu qu’atteindre Torment IV était trop facile, et ils ont alourdi les défis pour n’en laisser qu’une minorité au plus haut niveau). Pour autant, les mécanismes sous-jacents restent semblables : tuer des hordes de démons, compléter des événements (Helltides, incursions d’Apparitions, etc.) et farmer des boss légendaires pour obtenir du meilleur équipement. Comme le résume un guide, les joueurs doivent surtout enchaîner boss et donjons pour « obtenir les meilleurs objets de la Saison 4 ».

En dépit de ces efforts, l’endgame de Diablo 4 reste globalement perçu comme répétitif, centré sur l’optimisation des loot plutôt qu’un renouvellement profond de gameplay. Icy Veins note par exemple que, sur les boss actuels, « Lilith est le seul à donner une vraie sensation de combat épique, mais on n’a guère de raison de la réaffronter plus d’une fois ». De même, la formule du Battle Pass (obtenir ses récompenses en ~80 heures en mode gratuit) laisse peu de marge de manœuvre : un joueur régulier peinera à dépasser environ 40 heures d’activités par saison avant d’avoir accompli les principaux objectifs. Au final, malgré la variété grandissante (donjons cauchemars, Helltides, boss Uber, Fosse, etc.), l’expérience de fin de partie reste assez restreinte : on y revient surtout pour affiner son équipement, et ce qui prend aux joueurs d’achever une saison s’apparente souvent à une routine bien connue



Une campagne sombre et maîtrisée

Avant que les saisons ne prennent le dessus, Diablo 4 proposait une campagne sombre, violente et très bien rythmée. C’est d’ailleurs par là que tout commence, et même après plusieurs saisons, cette première aventure narrative reste un excellent souvenir pour beaucoup de joueurs — moi y compris.

L’histoire de Lilith, de l’Église de la Lumière, et des conflits intérieurs des personnages emblématiques de Sanctuaire est servie par une mise en scène soignée et des cinématiques d’une grande qualité. Contrairement à Diablo 3, qui avait parfois un ton plus léger, cette campagne assume un retour aux sources plus macabre, plus mature, et ancré dans une ambiance glauque proche du premier Diablo.

Le rythme est soutenu, et même en coop, l’expérience reste fluide, avec des dialogues partagés, des quêtes secondaires parfois marquantes, et quelques moments de bravoure bien sentis. On sent que Blizzard a cherché à poser un univers riche et plus nuancé, avec des dilemmes moraux et des personnages ambigus.

Certes, en termes de gameplay pur, la campagne n’est qu’une rampe de lancement vers le end game, mais elle reste une belle porte d’entrée dans l’univers de Diablo 4. Et pour ceux qui, comme moi, l’ont faite à la sortie du jeu en coop, elle conserve un charme particulier — celui de la découverte, d’un monde encore inconnu, et de cette ambiance malsaine parfaitement retranscrite.

Aujourd’hui, il est même possible de la sauter complètement avec un nouveau personnage saisonnier, ce qui témoigne de son statut de contenu “ponctuel”. Mais cela reste à mon sens une erreur pour un premier run. Elle vaut la peine d’être jouée au moins une fois.



Le rythme des saisons : entre renouveau et lassitude

Depuis la Saison 1, Diablo 4 a adopté un modèle saisonnier proche de celui de Diablo 3, avec une nouvelle saison tous les trois mois environ. Chacune introduit un thème temporaire, quelques mécaniques de gameplay spécifiques, un éventuel remaniement des classes, un Battle Pass, et une série d’objectifs saisonniers à remplir. À chaque fois, c’est un retour à zéro : on crée un nouveau personnage saisonnier, on refait le début de l’aventure, et on découvre les nouveautés apportées par Blizzard.

Il faut reconnaître que certaines idées sont plutôt bien trouvées. Par exemple, la Saison 3 a introduit les compagnons mécaniques (Constructs), tandis que la Saison 4, sous le nom de Loot Reborn, a revu en profondeur le système d’équipement, de statistiques et d’affixes, rendant la chasse au loot plus intéressante et plus lisible. De saison en saison, les développeurs ajoutent aussi des mécaniques de craft, d’amélioration ou d’interaction avec l’environnement – comme les apparitions infernales dans la Saison 8, qui viennent perturber les activités classiques.

Mais malgré ces ajouts, le schéma reste le même : on rush les objectifs saisonniers, on débloque les récompenses du Battle Pass, on équipe son perso, puis… on décroche. En ce qui me concerne, comme beaucoup de joueurs, je reviens à chaque saison, je m’investis pendant une quarantaine d’heures, puis une fois tous les paliers validés, je passe à autre chose. L’expérience devient alors très mécanique, voire solitaire, car rien n’incite vraiment à jouer en groupe une fois la routine lancée.

Il faut aussi parler du FOMO qui entoure chaque saison. Les récompenses sont limitées dans le temps, le Battle Pass propose des cosmétiques exclusifs, et certaines mécaniques disparaissent complètement une fois la saison terminée. Cela pousse à se connecter dès la sortie, à optimiser le moindre objectif, parfois plus par obligation que par plaisir. Et pourtant, malgré la contrainte, je me laisse prendre au jeu, comme happé par le besoin de “cocher la checklist”.

Enfin, un mot sur les Battle Pass : peu engageants à mon goût, surtout au vu de leur prix. La progression est lente, les récompenses sont majoritairement cosmétiques (ou anecdotiques), et à moins d’être très attaché à l’univers, difficile de justifier leur achat saison après saison. D’autant que certaines transmogrifactions ou montures sont ensuite retirées définitivement, ce qui accentue encore ce sentiment de pression artificielle.



Conclusion

Diablo 4 est un jeu en constante évolution. L’expérience que j’en ai eue à sa sortie n’a plus grand-chose à voir avec celle que je vis aujourd’hui, au fil des saisons. Il faut reconnaître à Blizzard un véritable effort pour enrichir et structurer son end game, proposer de nouvelles mécaniques, et surtout écouter la communauté. À chaque patch majeur, on sent une volonté d’amélioration : refonte du loot, équilibrage des classes, nouvelles activités… Rien n’est laissé totalement figé.

Mais malgré tout, le jeu reste, pour moi, une expérience en pointillés. Je reviens à chaque saison, j’y consacre une quarantaine d’heures, puis je repars. Le plaisir est là, parfois intense, mais éphémère. Le FOMO me pousse à compléter les objectifs saisonniers, mais l’investissement émotionnel s’arrête souvent là. Le Battle Pass ne me parle pas, les mécaniques saisonnières disparaissent trop vite, et le end game, bien qu’élargi, reste trop répétitif pour me retenir sur le long terme.

Et pourtant, malgré ses défauts, Diablo 4 conserve un certain charme. Sa direction artistique, son ambiance, sa campagne, et la fluidité de son gameplay en font un titre que je n’arrive pas totalement à délaisser. Il a ce petit goût de “reviens-y”, ce confort de la routine hack’n’slash bien huilée, même si je sais que, passé l’excitation des premiers jours, la lassitude s’installera.

En somme, Diablo 4 est un jeu solide, mais encore en quête de sa propre identité sur le long terme. Il brille sur le court terme, passionne sur ses premières dizaines d’heures, mais peine à se renouveler en profondeur. À voir ce que l’avenir lui réserve : entre nouvelles saisons, extensions annoncées, et refontes futures, il n’a peut-être pas encore dit son dernier mot.