
DREDGE est l’exemple parfait du jeu qui sait se faire passer pour quelque chose qu’il n’est pas. Sous ses airs paisibles de petit simulateur de pêche, avec son interface épurée et sa prise en main immédiate, se cache en réalité un univers sombre, poisseux, et profondément dérangeant. Et c’est précisément ce contraste entre la simplicité de la surface et la tension qui grandit à mesure que l’on s’éloigne du port qui rend l’expérience si mémorable.
Le jeu séduit dès les premières minutes par sa facilité d’accès. Tout est pensé pour qu’on prenne rapidement le large : les commandes sont intuitives, la carte se dévoile progressivement, et les premières prises sont presque relaxantes. Mais très vite, une menace sourde s’installe. Les formes étranges dans l’eau, les pêcheurs qui parlent à demi-mot de choses qu’il vaudrait mieux oublier, la mer elle-même qui semble cacher bien plus qu’elle ne montre…
Et c’est là que DREDGE montre son vrai visage : un jeu où la mer n’est jamais calme bien longtemps, où chaque sortie en mer peut tourner à la catastrophe, et où l’on revient au port soulagé… ou totalement perdu.

Développement
DREDGE est le premier jeu du studio néo-zélandais Black Salt Games, un petit studio indépendant fondé en 2020. Composé de seulement quatre développeurs principaux, le studio s’est donné pour objectif de créer une expérience narrative forte, ancrée dans un gameplay accessible et immersif. Pari réussi.
Développé en Unity, DREDGE a rapidement attiré l’attention grâce à son mélange unique entre simulation de pêche et horreur psychologique à la sauce lovecraftienne. Ce mélange improbable mais maîtrisé a valu au jeu un certain bouche-à-oreille lors des festivals indés comme le Day of the Devs ou la Gamescom Indie Arena Booth, où il a souvent été cité parmi les titres à suivre.
Le studio a fait le choix d’un style graphique simple mais expressif, avec une direction artistique claire : une mer immense, des lumières diffuses, et des teintes qui virent rapidement au cauchemar à la tombée de la nuit. C’est aussi cette sobriété qui permet au jeu de tourner sur une large variété de configurations, y compris sur Nintendo Switch, ce qui lui a assuré un beau succès commercial.
Depuis sa sortie en mars 2023, le jeu a bénéficié de plusieurs mises à jour gratuites, ainsi que d’un DLC payant, The Pale Reach, qui ajoute une nouvelle région glaciale et encore plus de créatures cauchemardesques à affronter. Une extension supplémentaire, The Iron Rig, est également attendue et promet de creuser encore un peu plus le mystère qui plane sur l’univers de DREDGE.
Black Salt Games a ainsi posé les bases d’un univers riche, cohérent et terriblement addictif. Avec peu de moyens, ils ont su prouver que l’originalité et la maîtrise des mécaniques peuvent suffire à créer un jeu marquant.

Gameplay : simple, mais exigeant
DREDGE repose sur un gameplay immédiatement compréhensible, presque minimaliste dans sa présentation. On dirige un petit bateau vu du dessus, on explore des zones marines, on jette sa ligne, et on ramène des poissons à vendre. Sur le papier, rien de plus simple. Mais derrière cette boucle de jeu se cache une profondeur insoupçonnée.
Le cœur du gameplay tourne autour de la gestion de la cale, qui fonctionne comme un mini-jeu de Tetris. Chaque poisson, chaque objet trouvé en mer a une forme spécifique, et il faut l’organiser intelligemment pour maximiser l’espace disponible. Plus le bateau est petit, plus chaque case compte — ce qui pousse le joueur à optimiser chaque sortie pour éviter des allers-retours inutiles ou des pertes de cargaison.
Rapidement, le jeu introduit l’amélioration du navire. On collecte des ressources, on investit dans de meilleures coques, des moteurs plus puissants, des cannes à pêche spécialisées, et même des équipements pour explorer des zones plus dangereuses ou profondes. Cette montée en puissance est bien dosée, donnant à chaque sortie un objectif clair, et un sentiment de progression constant.
Mais c’est surtout la gestion du temps et du stress qui change la donne. DREDGE fonctionne avec un cycle jour/nuit : chaque action (pêcher, se déplacer, draguer les fonds) fait passer le temps, et plus la nuit approche, plus les choses deviennent… inquiétantes. Une brume oppressante se lève, des hallucinations apparaissent, des créatures surgissent des abysses, et les erreurs de navigation peuvent être fatales.
Le stress devient alors une mécanique à part entière : plus le personnage panique, plus la réalité se déforme. Les yeux apparaissent à l’écran, les rochers surgissent là où il n’y en avait pas, des bateaux fantômes foncent vers vous… Il ne s’agit plus seulement de pêcher efficacement, mais de survivre à la nuit.
Le gameplay de DREDGE est donc un subtil mélange entre optimisation, tension psychologique et prise de risque mesurée. Une simple sortie pour pêcher peut se transformer en fuite désespérée sous la lune rouge, poursuivi par une entité marine inconnue. Et c’est ce mélange unique qui rend chaque session aussi imprévisible qu’addictive.

Ambiance : Lovecraft à bord
Dès les premières minutes de jeu, DREDGE distille un malaise subtil. Le ciel est couvert, la mer est vaste, silencieuse, et les villages côtiers semblent figés dans le temps. Personne ne parle franchement, chacun semble avoir ses secrets… Et lorsqu’on commence à s’éloigner un peu trop du port, le jeu révèle enfin sa véritable nature.
DREDGE est un jeu profondément inspiré de l’univers de H. P. Lovecraft, sans jamais tomber dans la caricature. Pas de tentacules à outrance, pas de monstres exposés de manière frontale — ici, l’horreur est plus insidieuse, plus mentale. Elle surgit dans les détails : un poisson difforme ramené à bord, une rumeur inquiétante sur une épave maudite, une ombre dans la brume qui semble vous suivre sans relâche.
La nuit est le moment où l’ambiance atteint son paroxysme. L’obscurité se fait oppressante, le champ de vision se réduit, et les hallucinations deviennent monnaie courante. On commence à douter : ce rocher était-il là tout à l’heure ? Ce phare est-il réel ? Et ce cri dans la brume, était-ce humain ?
Le système de folie lié au stress du personnage accentue cette descente dans l’angoisse. Plus on reste en mer, plus les perceptions changent, et plus le danger devient difficile à anticiper. Le jeu joue constamment sur la frontière entre le réel et l’irréel, et c’est ce qui rend chaque sortie en mer aussi fascinante qu’inquiétante.
Les environnements contribuent également à cette atmosphère étrange : archipels envahis par des plantes mutantes, îlots volcaniques fumants, glaciers criblés d’épaves… Chaque région raconte sa propre histoire, souvent tragique, toujours intrigante. Le design sonore appuie cette ambiance avec brio, entre nappes graves, cris lointains et silences pesants.
En résumé, DREDGE ne fait pas peur au sens traditionnel du terme. Il inquiète, il trouble, et il hante. Il évoque ces cauchemars qu’on ne comprend pas totalement, mais dont on se souvient longtemps après s’être réveillé.

Histoire & progression : mystères en eaux troubles
Si le gameplay et l’ambiance suffiraient à eux seuls à porter l’expérience, DREDGE propose en plus une histoire captivante, subtilement racontée, qui pousse le joueur à aller toujours plus loin, quitte à risquer la folie.
On incarne un pêcheur sans nom, naufragé dans un archipel reculé, recueilli par un maire bienveillant… peut-être un peu trop. En échange d’un nouveau bateau, on nous demande simplement de travailler et de ne pas trop poser de questions. Mais bien vite, les trajets anodins deviennent des missions de récupération, des livraisons douteuses, ou des explorations d’épaves maudites. Et chaque personnage rencontré semble en savoir plus qu’il ne le dit.
L’histoire se construit progressivement, à travers des dialogues, des journaux de bord retrouvés, des événements étranges, et surtout des rencontres marquantes : un collectionneur d’artefacts aux intentions floues, une scientifique isolée dans une base glacée, une femme qui vit recluse sur un rocher… Tous partagent un lien avec une force ancienne et indicible qui hante les profondeurs de cet archipel.
La progression dans DREDGE repose sur un équilibre entre liberté et narration. On peut explorer dans l’ordre que l’on veut, mais certaines zones ne deviennent accessibles qu’après avoir amélioré son bateau ou débloqué certains équipements. Chaque région vient avec ses propres mécaniques, dangers et énigmes, forçant le joueur à adapter sa stratégie. On ne pêche pas de la même façon dans les récifs coralliens que dans les abysses ou la banquise.
L’histoire ne se contente pas d’être un prétexte : elle structure réellement l’aventure, en donnant un sens à nos explorations et un fil rouge qui relie tous les mystères de cet univers. Et surtout, elle réserve quelques rebondissements bien sentis, entre trahisons, révélations occultes et décisions aux conséquences troublantes.
Au final, DREDGE propose une aventure narrative fluide mais jamais dirigiste, où chaque découverte renforce l’envie d’en apprendre plus. On avance à la fois pour améliorer notre navire, mais surtout pour comprendre ce qui se cache derrière cette mer agitée, et pourquoi notre présence ici n’est peut-être pas un simple accident…

Quand la mer vous appelle
DREDGE est une œuvre rare, de celles qui surprennent sans en avoir l’air. Derrière son apparente simplicité de jeu de pêche se cache une expérience riche, anxieuse, et immédiatement prenante. Le mélange de gestion, de mystère et d’horreur fonctionne à merveille, servi par une direction artistique sobre mais évocatrice, et un gameplay parfaitement calibré.
C’est un jeu accessible, que l’on peut mettre entre toutes les mains, mais qui ne sacrifie jamais sa profondeur ni son ambiance. Chaque sortie en mer devient une aventure, chaque prise une décision, chaque nuit un pari risqué. On joue pour pêcher, mais on reste pour comprendre — ou au moins essayer.
Porté par une narration bien ficelée, des personnages étranges et attachants, une atmosphère oppressante et un système d’amélioration intelligent, DREDGE prouve qu’il est possible de marier gestion et horreur psychologique avec une élégance rare. Une invitation à explorer l’inconnu, à se perdre dans les brumes, et à écouter ce que murmurent les profondeurs.
Et même si l’on ne ressort jamais tout à fait indemne d’un tel voyage, il est difficile de ne pas vouloir y replonger.
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