
Comprendre les Botnets
Dans l’univers de la cybersécurité, le terme botnet revient fréquemment lorsqu’on parle d’attaques à grande échelle, de vols de données ou de compromission massive d’ordinateurs. Mais qu’est-ce qu’un botnet, exactement ? Et pourquoi est-ce une menace aussi sérieuse, à la fois pour les particuliers et les entreprises ?
Qu’est-ce qu’un botnet ?
Le mot botnet est une contraction de « robot » et « network » (réseau). Il désigne un ensemble de machines compromises, connectées à Internet, qui obéissent secrètement aux ordres d’un botmaster — un cybercriminel ou un groupe organisé. Ces machines, souvent des ordinateurs personnels, des serveurs, ou même des objets connectés (caméras IP, routeurs, etc.), sont appelées bots ou zombies une fois infectées.
L’utilisateur de l’ordinateur compromis n’a, dans la plupart des cas, aucune idée que sa machine participe à un réseau malveillant.
Comment fonctionne un botnet ?
Le fonctionnement d’un botnet repose généralement sur plusieurs étapes :
- Infection : Un malware (souvent un trojan ou un ver) est installé sur un appareil, généralement par phishing, téléchargement malveillant, ou exploitation d’une faille logicielle.
- Prise de contrôle : Le malware se connecte à un serveur de commande et contrôle (C&C ou C2) pour recevoir ses ordres.
- Exécution des tâches : Les machines infectées peuvent ensuite exécuter toutes sortes d’actions à la demande du botmaster.
Parmi les utilisations les plus fréquentes d’un botnet, on trouve :
- 📤 Envoi massif de spams ou de mails de phishing
- 🔐 Vol de données personnelles ou bancaires
- 🌐 Attaques DDoS visant à saturer un site web ou un service en ligne
- 💰 Minage clandestin de cryptomonnaie
- 🛠️ Diffusion d’autres malwares ou ransomwares
Pourquoi sont-ils si difficiles à éradiquer ?
Un botnet peut compter des milliers, voire des millions de machines réparties dans le monde entier. Chaque bot fonctionne comme un nœud anonyme dans un réseau global, ce qui rend leur détection et leur neutralisation extrêmement compliquées.
Certains botnets modernes utilisent des architectures P2P (peer-to-peer) ou chiffrées, rendant la traçabilité encore plus ardue pour les autorités et les chercheurs en cybersécurité.

Danabot : Le botnet bancaire à louer
Parmi les botnets les plus redoutés de ces dernières années, Danabot s’est imposé comme une menace particulièrement persistante et bien structurée. Découvert en 2018, ce malware bancaire modulaire n’a cessé d’évoluer pour contourner les défenses, tromper les utilisateurs et faciliter les activités malveillantes de ses “clients”.
Un trojan bancaire pas comme les autres
À l’origine, Danabot est un trojan bancaire — un logiciel malveillant conçu pour voler des identifiants, des mots de passe et des informations bancaires en ligne. Mais là où d’autres se contentent d’une simple collecte de données, Danabot pousse l’attaque beaucoup plus loin grâce à une architecture modulaire.
Une fois installé sur la machine de la victime, Danabot peut :
- 📥 Télécharger d’autres modules (keylogger, injection web, accès distant…)
- 🧠 Espionner les frappes clavier
- 🔍 Intercepter les données saisies dans les formulaires bancaires
- 🎭 Injecter des écrans factices pour tromper les utilisateurs
- 🕵️♂️ Contourner les systèmes d’authentification à deux facteurs
Il s’adapte en temps réel aux cibles et peut modifier ses comportements selon le pays, la banque ou le navigateur utilisé.
Le phishing comme porte d’entrée principale
Danabot se propage principalement par le biais de campagnes de phishing soigneusement orchestrées. Les victimes reçoivent un mail frauduleux contenant :
- Une pièce jointe malveillante (document Word avec macros activables, fichier ZIP ou EXE)
- Un lien vers un faux site, imitant une entreprise de confiance
Une fois le fichier ouvert ou le lien cliqué, la machine est infectée. L’utilisateur ne se doute de rien : aucune alerte visible, aucun ralentissement immédiat… mais ses données sont déjà en train d’être siphonnées.
Un modèle économique : Malware-as-a-Service
Ce qui rend Danabot vraiment unique, c’est sa logique de Malware-as-a-Service (MaaS). Contrairement à d’autres botnets développés pour un usage interne, Danabot est loué à des tiers — d’autres cybercriminels — via des forums clandestins du dark web.
En pratique :
- Un pirate paie un abonnement pour utiliser Danabot dans sa propre campagne
- Il configure les modules qu’il souhaite (keylogger, vol de cookies, etc.)
- Il lance sa campagne (phishing, fraude bancaire, récupération d’identifiants)
Résultat : Danabot devient une plateforme d’attaques mutualisée, largement utilisée dans le monde cybercriminel. Ce modèle a permis une prolifération rapide de ses usages, avec des cibles variées allant du simple particulier aux PME en passant par des institutions financières.

DanaBleed : La faille qui a renversé Danabot
Les botnets modernes sont conçus pour être résistants, furtifs et difficiles à démanteler. Pourtant, même les systèmes les plus sophistiqués peuvent tomber à cause d’une erreur interne ou d’une faille mal corrigée. C’est exactement ce qui s’est produit avec Danabot, victime de sa propre complexité. L’événement qui a précipité sa chute porte un nom : DanaBleed.
Une vulnérabilité inattendue
En 2023, une équipe de chercheurs en cybersécurité, spécialisée dans l’analyse des infrastructures malveillantes, découvre une faille critique dans le protocole de communication utilisé par Danabot. Cette faille, baptisée DanaBleed, permettait à un attaquant — ou dans ce cas précis, à des chercheurs bienveillants — d’accéder aux serveurs de commande et contrôle (C2) de Danabot.
Retour sur cette vulnérabilité
La vulnérabilité DanaBleed n’est pas une simple erreur de configuration ou une faille réseau banale. Elle repose sur un problème fondamental dans la gestion des communications chiffrées entre les bots infectés et les serveurs de commande et contrôle (C2) de Danabot.
Une erreur dans le protocole C2
Danabot utilisait un protocole maison pour la communication entre les machines compromises et les serveurs C2. Ce protocole, basé sur une couche de chiffrement personnalisée (souvent une mauvaise pratique), visait à masquer le contenu échangé et à éviter la détection par les IDS (systèmes de détection d’intrusion).
Le problème : une implémentation incorrecte du chiffrement asymétrique.
Les chercheurs ont découvert que le protocole réutilisait des clés privées identiques sur plusieurs serveurs C2, et que certains paramètres cryptographiques (salts, IVs) étaient statiquement définis ou faiblement aléatoires. Cette faiblesse a permis :
- Le rejeu de paquets légitimes pour obtenir des réponses exploitables
- La décompilation de la logique de chiffrement dans les samples récupérés
- La reconstruction du protocole C2 et l’émulation de clients bots
En clair : les chercheurs ont pu créer une sorte de faux bot capable de communiquer avec les serveurs C2 comme s’il faisait partie du réseau.
Accès aux serveurs de commande
Grâce à cette émulation, les chercheurs ont ensuite pu interroger les serveurs C2 de manière contrôlée :
- 🎯 Lister les tâches actives assignées aux bots (modules bancaires, keyloggers, web injects)
- 🗺️ Explorer l’arborescence des fichiers internes des serveurs C2
- 📦 Télécharger les binaires mis à disposition pour les infections
- 🧾 Collecter les logs de sessions et les métadonnées des victimes
Le tout sans alerter le système, puisque les requêtes paraissaient légitimes du point de vue du serveur.
Exploitation de la faille et démantèlement
Une fois l’accès aux C2 confirmé, les équipes ont travaillé en coopération avec les CERTs et les forces de l’ordre pour :
- Cartographier l’infrastructure mondiale de Danabot (noms de domaine, IPs, relayeurs)
- Neutraliser les serveurs de commande via des opérations ciblées (saisies, takedowns, redirections DNS)
- Identifier certains opérateurs à l’origine des campagnes, grâce aux erreurs de configuration internes et aux logs exfiltrés
La perte de contrôle de l’infrastructure C2 a provoqué un effet domino : les bots sur le terrain n’avaient plus d’instructions, les campagnes de phishing ont cessé, et le botnet est rapidement devenu inopérant.
Fuite de données, panique sur le dark web
La découverte de DanaBleed a provoqué une onde de choc dans la sphère cybercriminelle. Très rapidement, certaines données exfiltrées par les chercheurs ont fuité : adresses IP, logs de connexions, identifiants liés aux “clients” du botnet… et même les squelettes d’infrastructures utilisées pour les campagnes de phishing.
En quelques semaines, les conséquences sont drastiques :
- Les serveurs C2 sont neutralisés ou mis hors ligne
- Les “clients” de Danabot fuient ou abandonnent le service
- Les campagnes actives s’effondrent, privées de leur centre de contrôle
Une opération conjointe
Dans la foulée, plusieurs agences de cybersécurité gouvernementales (dont l’Europol et le FBI) s’allient aux chercheurs pour exploiter la faille de manière ciblée. Le but : démanteler progressivement le réseau en identifiant les principaux nœuds de contrôle et en lançant des opérations de neutralisation.
Cette coopération internationale marque une victoire majeure contre Danabot, qui jusque-là semblait insaisissable. DanaBleed devient un cas d’école en cybersécurité : un exemple de la manière dont l’ingénierie inverse, l’observation patiente et la collaboration peuvent venir à bout même des menaces les plus résilientes.

Se prémunir des botnets : vigilance et hygiène numérique
Les botnets comme Danabot s’appuient sur une seule faille pour compromettre un système : l’erreur humaine. Un clic mal placé, une pièce jointe ouverte sans vérification, un mot de passe trop simple… et la machine est contaminée. La bonne nouvelle, c’est qu’il existe des réflexes simples et efficaces pour se protéger durablement.
🔍 Apprendre à reconnaître le phishing
La première ligne de défense, c’est vous. La majorité des infections par des malwares comme Danabot commence par un mail frauduleux. Voici quelques signaux d’alerte :
- Une adresse d’expéditeur suspecte (fausse entreprise, nom étrange)
- Un lien ou une pièce jointe inattendue
- Un message alarmiste ou urgent (« Votre compte est suspendu », « Action requise immédiatement », etc.)
- Des fautes d’orthographe ou une formulation étrange
➡️ Réflexe à adopter : ne jamais cliquer sans vérifier. Passez la souris sur les liens pour voir l’URL réelle, et en cas de doute, contactez directement l’entreprise concernée.
🛑 Désactiver les macros par défaut
Beaucoup de malwares, dont Danabot, se cachent dans des documents Word ou Excel avec des macros activables. Si vous ouvrez un fichier qui vous demande d’activer le contenu pour voir quelque chose… méfiance !
➡️ Réflexe à adopter : gardez les macros désactivées par défaut, sauf besoin professionnel contrôlé.
🔐 Utiliser un antivirus et le maintenir à jour
Même si aucune solution n’est infaillible, un antivirus fiable et régulièrement mis à jour peut détecter des signatures connues de malwares comme Danabot. Il peut aussi bloquer l’accès aux serveurs C2 ou empêcher l’exécution de certains scripts malveillants.
➡️ Réflexe à adopter : choisissez un antivirus reconnu, activez les mises à jour automatiques, et programmez un scan hebdomadaire.
🔄 Mettre à jour son système et ses logiciels
Beaucoup de botnets exploitent des failles de sécurité non corrigées dans le système ou les logiciels installés.
➡️ Réflexe à adopter : appliquez toujours les mises à jour Windows/macOS/Linux dès qu’elles sont disponibles. Idem pour vos navigateurs, plugins, suites bureautiques, etc.
🧠 Utiliser un gestionnaire de mots de passe
Les informations volées par Danabot incluent souvent des identifiants de connexion. Or, beaucoup d’utilisateurs réutilisent le même mot de passe sur plusieurs services, ce qui facilite les attaques en cascade.
➡️ Réflexe à adopter : utilisez un gestionnaire de mots de passe pour générer des mots uniques, complexes et stockés de façon sécurisée.
En résumé
Danabot n’est qu’un exemple parmi des dizaines de botnets actifs sur Internet. Sa chute, provoquée par la faille DanaBleed, montre qu’aucune menace n’est éternelle. Mais tant que les cybercriminels trouvent des portes d’entrée, ils continueront à les exploiter.
La meilleure arme contre ces menaces, ce n’est pas uniquement la technologie : c’est la vigilance de l’utilisateur.

📝 Disclaimer
Cet article est le fruit d’un regroupement de plusieurs sources publiques, que j’ai analysées et synthétisées pour en proposer une lecture accessible.
La partie technique reflète ma compréhension personnelle des mécanismes en jeu, et peut donc faire l’objet d’interprétations différentes selon les lecteurs.
Si vous relevez une erreur, une imprécision ou souhaitez échanger sur le sujet, n’hésitez pas à me contacter pour en discuter ou corriger l’article.
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