Nox 
Les jeux de gestion ont toujours eu un attrait particulier pour les joueurs patients et stratèges : bâtir une cité, équilibrer les ressources, surveiller la satisfaction des habitants et faire prospérer sa colonie. Des titres comme Anno, Banished ou Tropico ont marqué ce genre en offrant chacun leur propre variation. Mais parfois, un jeu ose briser les codes établis pour proposer une expérience différente, presque dérangeante.
C’est exactement ce que fait Worshippers of Cthulhu. Ici, point d’or, de dollars ou de denrées rares comme monnaie d’échange. Votre véritable richesse, c’est la foi de vos fidèles. Chaque bâtiment, chaque rituel, chaque pas vers la grandeur de votre colonie repose sur cette ressource immatérielle qu’il faudra alimenter sans cesse, que ce soit par la ferveur artistique… ou par le sacrifice de vies humaines.
Et c’est là que le jeu prend tout son sens : en plongeant le joueur dans un univers inspiré de H.P. Lovecraft, maître incontesté de l’horreur cosmique. Les Grands Anciens, et en particulier le tentaculaire Cthulhu, ne sont pas de simples créatures monstrueuses. Ils représentent l’inconcevable, l’incompréhensible, ce qui dépasse l’esprit humain. Construire une cité à leur gloire, c’est accepter de basculer dans une logique où l’on n’est plus le maire d’une colonie, mais le prophète d’un culte qui aspire à réveiller une entité endormie depuis des millénaires.
Le ton est donné : Worshippers of Cthulhu ne vous demandera pas simplement de gérer une population, mais de faire un choix constant entre pragmatisme et fanatisme. Dans cet équilibre fragile, la gestion prend une dimension nouvelle, teintée de mysticisme et de terreur.
Derrière Worshippers of Cthulhu se tient Crazy Goat Games, un petit studio indépendant qui a choisi de s’aventurer dans le mélange audacieux du city-builder et de l’horreur cosmique. Le jeu est publié par Crytivo, qui apporte son soutien au projet pour lui donner une visibilité plus large.
Le développement a suivi une trajectoire assez classique pour les titres indés : une phase d’accès anticipé, des retours de la communauté, puis une version complète.
Chronologie & évolutions
- Le jeu est entré en Early Access sur Steam le 21 octobre 2024.
- La version définitive (v1.0) est sortie le 22 mai 2025.
- Avec cette version 1.0 ont été ajoutés de nombreux contenus nouveaux : un mode bac à sable, des chapitres d’histoire supplémentaires, de nouveaux biomes, une mécanique de combat affinée, davantage d’options de personnalisation et des événements stratégiques pour le late game.
- Les développeurs ont aussi introduit des mécaniques de gestion plus fines, notamment le duo Patience de Cthulhu vs Fanatisme des fidèles, qui oblige le joueur à équilibrer son culte sous peine de conséquences dramatiques.
Plateformes & positionnement
- Worshippers of Cthulhu est actuellement disponible sur PC via Steam.
- Le jeu supporte notamment le Steam Deck et d’autres configurations Windows.
- Des versions consoles (PS5, Xbox Series) sont annoncées, bien que la date précise n’ait pas encore été confirmée.
Réception & chiffres marquants
- Sur Steam, le jeu affiche une moyenne de 1 116 critiques positives, avec une note générale «Tres positif».
- Le pic de joueurs simultanés enregistré est ≈ 1 131 joueurs lors du jour d’Early Access.
- À ce jour, le nombre de joueurs actifs simultanés est beaucoup plus faible, ce qui est typique pour un jeu indépendant après le pic de lancement.
- Le titre a également suscité un fort intérêt avant sa commercialisation, figurant dans de nombreuses « wishlists » et buzz anticipé dans la communauté indé.
- Le jeu est vendu autour de 24,50 EUR (prix de base sur Steam), avec des promotions lors du lancement.
Worshippers of Cthulhu on Steam¹
Prenez les rênes du Culte de Cthulhu. Décidez du sort de vos adeptes, accomplissez des rituels surnaturels et maîtrisez l'art de la construction de villes dans un monde où la frontière entre raison et folie s'estompe. Pourrez-vous supporter les horreurs que vous déchaînerez ?
Si Worshippers of Cthulhu reprend en surface les codes du city-builder classique récolter des ressources, bâtir des infrastructures, assurer la survie d’une population il s’éloigne très vite des modèles établis par un choix audacieux : faire de la foi la ressource principale du jeu.
La foi comme monnaie d’échange
Ici, pas d’or, de crédits ou de pierres précieuses : chaque action, chaque construction, chaque avancée dans votre colonie demande de la croyance. La ferveur de vos fidèles devient la véritable richesse. Cela transforme radicalement la façon de jouer, car maintenir un haut niveau de foi implique des décisions difficiles.
Entre art et sacrifice
Deux grandes voies permettent d’alimenter la croyance :
- Les créations artistiques et culturelles : en érigeant des statues, en organisant des cérémonies ou en décorant l’île, vous consolidez la foi de vos adeptes par des moyens pacifiques.
- Les sacrifices : méthode plus brutale mais souvent plus efficace, elle consiste à offrir la vie de certains fidèles à Cthulhu, au prix d’une population amoindrie mais d’un culte plus puissant.
Ce dilemme constant entre fanatisme sanglant et piété symbolique donne au jeu une saveur unique. Le joueur est sans cesse confronté à la question : jusqu’où suis-je prêt à aller pour renforcer mon culte ?
La mécanique Patience vs Fanatisme
Introduite avec la version 1.0, cette mécanique oblige le joueur à gérer deux jauges opposées :
- La Patience de Cthulhu : si vous ne nourrissez pas assez votre dieu, son mécontentement peut provoquer des catastrophes sur votre colonie.
- Le Fanatisme des fidèles : s’il devient trop extrême, la société risque de sombrer dans le chaos, avec des conséquences parfois irréversibles.
Ce système crée une tension permanente et pousse à ajuster en permanence sa stratégie, entre ferveur collective et apaisement des colères divines.
Un city-builder narratif
Contrairement à beaucoup de city-builders où la narration reste accessoire, Worshippers of Cthulhu intègre une progression scénarisée par chapitres. Cela permet d’apprendre les mécaniques étape par étape, tout en donnant une direction à la partie. Le mode bac à sable, quant à lui, offre une liberté totale pour les joueurs qui préfèrent expérimenter sans contrainte scénaristique.
Une approche accessible mais originale
Le jeu reste volontairement plus simple que des mastodontes comme Anno ou Cities: Skylines, mais ce n’est pas un défaut. L’accessibilité est un atout : on peut rapidement entrer dans l’univers et tester différentes stratégies sans passer des heures à assimiler des tableaux de chiffres. La profondeur, elle, se dévoile dans les choix moraux et les dilemmes constants qui rythment la partie.
L’univers de Worshippers of Cthulhu ne se contente pas d’être un décor : il est le moteur de l’expérience. Inspiré directement des écrits de H.P. Lovecraft, le jeu s’ancre dans cette ambiance d’horreur cosmique où les hommes ne sont que des poussières face à des entités incompréhensibles.
Un culte à bâtir
Vous ne gérez pas une colonie classique : vous êtes à la tête d’un culte. Chaque fidèle qui rejoint vos rangs devient à la fois une ressource, un outil de production et un dévot dont la foi sert à alimenter vos projets. Cette approche change le rapport traditionnel entre dirigeant et population : vous ne cherchez pas seulement à les contenter, mais à les modeler, à les pousser vers un objectif qui les dépasse.
Foi, sacrifices et fanatisme
Le cœur narratif du jeu réside dans ce fragile équilibre entre la foi des fidèles et la volonté de Cthulhu. Les sacrifices ne sont pas de simples mécaniques de gameplay : ils incarnent le lien direct avec le Mythe. Offrir une vie humaine à l’Ancien, c’est reconnaître son emprise et accepter la déshumanisation progressive de votre société.
Inversement, les œuvres d’art et les rituels culturels racontent une autre facette : celle d’un culte qui, même sans effusion de sang, se construit autour d’un imaginaire inquiétant, où chaque fresque ou statue devient un symbole de soumission à l’indicible.
Une histoire guidée par chapitres
Si la narration n’est pas au centre de l’expérience comme dans un RPG, elle n’est jamais absente. Les chapitres scénarisés introduisent progressivement les concepts du jeu, tout en racontant la lente ascension de votre culte. Ces petites touches narratives renforcent l’immersion, en donnant une continuité et une raison d’être à vos décisions.
L’influence de Lovecraft
On retrouve dans le jeu de nombreuses références au Mythe de Cthulhu : la petitesse de l’humanité face à l’inconnu, la démence qui guette ceux qui cherchent à comprendre, la fatalité du réveil des Anciens. Ici, votre colonie n’est pas un havre de paix, mais une antichambre du chaos. Le Lore donne au joueur le sentiment que, quoi qu’il fasse, il œuvre pour quelque chose de plus grand que lui… et de bien plus terrible.
Worshippers of Cthulhu n’est pas un simple jeu de gestion : c’est une expérience où la stratégie se teinte de fanatisme, et où chaque décision résonne comme une prière offerte à l’inconcevable. Avec sa mécanique de foi comme monnaie d’échange, son univers sombre et son équilibre fragile entre patience divine et fanatisme des fidèles, le titre de Crazy Goat Games propose une approche unique du city-builder.
Il ne cherche pas à rivaliser en complexité avec les géants du genre, mais à offrir une vision différente : celle d’une colonie bâtie non pas pour prospérer, mais pour sombrer volontairement dans les abysses d’un culte impie. Et c’est précisément ce qui fait sa force : ce jeu ne se contente pas de vous divertir, il vous happe dans une spirale de choix cornéliens où la frontière entre gestionnaire avisé et prophète délirant devient de plus en plus floue.
Comme dans toute bonne œuvre lovecraftienne, il y a ici une forme d’inéluctabilité : vos efforts ne visent pas à sauver, mais à préparer. Préparer le réveil d’une entité ancienne, préparer le triomphe du chaos, préparer la fin d’un monde qui ne vous appartiendra jamais vraiment.
Alors, qu’attendez-vous ? Les profondeurs appellent, les fidèles s’agenouillent, et les étoiles s’alignent. Votre colonie n’est qu’un fragment dans le grand dessein, mais un fragment nécessaire. Et bientôt, très bientôt… Cthulhu se lèvera.
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